Et puis, quand on a un cadavre qui prend l'air depuis déja quelques mois et dont on ne connaît pas la raison de son trépas, ça pose des questions. J'aurais bien aimé l'autopsier moi-même, ce foutu cadavre puant qui traînait là. Mais je n'ai pas malheureusement pas eu cet honneur et quelqu'un d'autre s'en est chargé. Etant donné la charpie qu'il reste, ils s'y sont peut-être mis à plusieurs. Les connaissances ne sont pas forcément très bonnes conseillères.
Me voilà donc avec ce cadavre dépiauté sur ma table basse, accompagné d'un petit mot. Voilà, le rêve a l'air de s'achever alors qu'il était à son paroxysme. Je viens de me réveiller, j'ai envie de continuer ce rêve fabuleux, mais non, la machine à rêves ne se relance pas. C'est trop tard, j'ai perdu. Et même si ça marche, ça sera forcément moins bien que l'original. Je n'ai même pas envie d'expliquer ce qu'il s'est passé, les rapports d'autopsie sont peut-être trompeurs à ce sujet. Mais non, même pas. Je n'en ai plus le courage. Je ne sais même pas à quoi ça servirait. Elle sait. Point.
Je ne sais pas ce que je suis censé faire, ni dire, ni même penser. Je retourne tout ça dans ma tête depuis que je suis rentré du boulot, je meurs de chaud et je gamberge. Je m'insulte moi-même et j'ai envie d'enfoncer ma tête dans ce putain de parquet pour la ressortir dans dix ans, quand l'orage sera passé. "Quand je serai grand", peut-être.
Grand, je pensais pourtant l'être. Au moins un peu plus que ce que j'ai l'air de renvoyer à l'heure actuelle. Mais non, je n'ai pas envie d'être ce siphon qui aspire tout le monde vers la fosse commune. Non, mes épaules ne sont peut-être pas assez larges pour supporter ce poids. Non, je n'ai pas envie d'avoir ce pouvoir irrémédiable de tout foutre par terre sur mon chemin. Cette fois, c'est vraiment comme si ma vie s'effondrait une deuxième fois, mais en pire. Je ne sais pas si j'ai le courage nécessaire pour ne pas fuir. De toute façon, on finira toujours par me rattraper.