Jusqu'à il y a quelques mois, passer le cap de la trentaine revenait à glisser assez fourbement un pied dans sa propre tombe. Et, lorsque des enfants s'ajoutaient, c'était toute la jambe qui y passait. En réalité, le monde des trentenaires était un truc un peu bizarre, peut-être un monde parallèle résultant d'une faille spatio-temporelle. Bref, un endroit où on n'a pas vraiment envie d'aller et si on y va, c'est à reculons.
A la fois hasardeux et curieux, il a bien fallu que j'y mette les pieds, avec sept ans d'avance sur le cours naturel de la vie. Et, finalement, c'est pas si mal que ça. On s'y rencontre autour d'un Gigancake et on finit par se décorer mutuellement avec de la peinture, en guise de symbole d'amitié. Ca ressemblait moins à un trenteetunième anniversaire qu'à un septième anniversaire, mais l'intérêt de la chose, c'est la vie qu'y s'en dégage. Et il y en a !
Le voyage est beaucoup moins stressant et désagréable que ce que j'avais pu imaginer. En fait, dans ce monde étrange, on s'y rend facilement, comme porté par le vent, sur un tapis volant. Soit j'ai de la chance, soit la vie n'est pas si pourrie qu'elle en a l'air. Toujours est-il que je me sens vachement bien, que ça dure depuis plusieurs semaines et que l'idée de retourner dans la ville des ducs de Lorraine me file un peu la chair de poule. C'est surtout l'idée de m'en aller qui me gêne, en fait.
Parce qu'en tant que jeunot newbie, on doit forcément faire ses preuves. Les rites de passages n'en sont pas vraiment ou alors ils sont bien camouflés. Mais il y a toujours cette légère angoisse enivrante de ne pas bien faire, de dire le mot de trop qui te rend d'un coup ridicule et qui dévoile au grand jour ton ignorance de la vie. La peur de décevoir, tout simplement. Et tu te surpasses, forcément. Pour le plus grand bonheur de l'assemblée.
[Je sais que c'est pas vrai mais j'ai seize ans !]