Elle avait ce goût là, la toute première, allumée en cachette il y a sept ans. Même si, à l'époque, je crapotais plus ou moins. C'est fou comme les goûts changent avec l'habitude et reviennent au détour d'un sevrage. Forcé, le sevrage. Je suis bien conscient que s'en griller une après avoir passé quelques jours avec un poumon réduit de moitié et du sang pour garnissage n'est pas forcément l'idée du siècle. Mais rien que pour la madeleine, c'est un vrai plaisir. Pour la petite sensation de tête qui tourne, aussi, comme si je venais de tirer sur LE méga-pétard de juillet dernier.

    A force de penser que je retrouve les sensations de mes seize ans, en voila une autre qui est apparue. Je l'attendais pas. Et sûrement pas comme ça. Mon adolescence sensitive et émotionnelle me poursuit. J'aurais préféré n'en garder que les bons côtés. Même si j'avoue que c'était un réel plaisir de voir cette amie du lycée, maintenant externe, toquer à la porte de ma chambre à 23h. La vie, ça ne tient parfois à pas grand chose. Dans mon cas, à une bouffée d'air.

    Heureusement, au détour d'un début de rétablissement, un coup de téléphone est venu me rappeler que les années n'étaient pas passées pour rien et que j'avais bel et bien vingt-trois ans. De toute façon, je ne pourrai jamais effacer les années qui me séparent de mon adolescence, qu'on se le dise. Elles m'ont construit, m'ont fait comme je suis, un salaud mais pas un pourri. Après de longues semaines d'attente incertaines, c'est sûr. Mon prochain appartement sera lorrain. Et, comme la vie est bien faite, c'est pour janvier. Au moins, j'ai le temps de me remettre de mes émotions, de me préparer à y retourner. Ca laisse un peu de sursis à l'angoisse de la comète aussi. Reculer pour mieux sauter, peut-être pas, mais pour moins tomber, sûrement.

    J'ai encore un peu de mal avec l'idée que les poils de ma barbe soient plus longs que ceux de mes bras et de mon torse réunis, mais ça devrait passer. J'ai aussi un peu de mal avec la cicatrice qui orne mon flanc gauche, mais ça devrait passer. J'ai un peu de mal avec l'étrange sensation qui règne entre mes côtes. Mais, comme le reste, ça devrait passer.

    Je dédicace le titre à mon ami l'haricot, qui ne lira probablement jamais ce texte. Mais rendons à César ce qui lui appartient et ce titre lui appartient pleinement. Et puis, il le mérite largement, pour toute son oeuvre.

[Il faut que tu respires, et ça c'est rien de le dire.]