Je pensais ne pas revenir traîner mes pattes ici tout de suite. Parce que je n’avais plus l’envie, plus la folie qui faisait que j’aimais écrire. Je n’avais plus non plus cette rigueur qui m’a tenu un temps à écrire régulièrement. Et puis…
C’était il y a dix jours. La nuit tombée, c’était la guerre. 14 juillet oblige, tout ce que la Lorraine a fait de meilleur s’est cru bon de venir éclater le stock de poudre local au Plan d’eau. Mais pas seulement, c’était aussi la guerre dans nos têtes. Une guerre des tranchées, ou on essaye de scruter l’autre en faisant mine de regarder au loin pour observer les cygnes. Une guerre qui ne dit pas son nom, une sorte de guerre froide sans arme nucléaire. Etait-ce vraiment une guerre, d’ailleurs ?
Pas vraiment, on est chacun venus avec nos armes chargées, mais rien. L’armistice a été signée pour éviter un nouveau bain de sang qui n’aurait honoré aucune des deux parties. On se l’est faite cool et peace&love. Des êtres humains réfléchis, pour une fois. Et, au détour d’une invitation au restaurant et à l’achat de bouteilles pour passer la soirée, j’ai retrouvé cette magie et peut-être cette humanité que je cherchais depuis plusieurs mois, en vain. Il a fallu en arriver là pour qu’enfin, la magie sorte de son nid. Preuve en est qu’elle se cachait et on la comprend : une guerre ça n’a pas grand-chose de magique. Et même si c’était un peu douloureux à vivre, cette soirée valait la peine d’être vécue, après tant de combats qu’on pensait sans fin.
Et puis, je suis reparti. Il le fallait bien. Pour le salut d’mon âme, comme dirait l’autre. Je vis ici dans un épais brouillard, peut-être la fumée des combats passés. Un brouillard qui rend chacun de mes pas incertains. Un brouillard qui ne mène nulle part, a priori. En dix jours, j’ai pas eu le temps d’y voir clair. J’ai tout juste eu le temps de réaliser que c’était fini, de pleurer mes camarades morts dans les combats et de me dire qu’ils auraient pu survivre à tout ça, si on avait fait autrement ou tout simplement si on l’avait voulu. « Le mieux est l’ennemi du bien », disait mon illustre professeur de physique de terminale. Et, bien que la vie ne soit heureusement pas régie par des équations mathématiques, en cinq ans j’ai déjà pu constater que c’est souvent vrai.
Survivre, c’est un peu ce que je fais depuis. J’ai, comme il se doit, noyé mes illusions perdues dans diverses substances liquides et gazeuses, qui m’ont coûté quelques réveils difficiles. Mais je m’attendais pas à me réveiller dans du coton. Les folies du genre sont passées. Sans doute jusqu’à ce que je retrouve quelque chose qui ravive les blessures. J’arrive plus ou moins à dormir, pas beaucoup, et à survivre à l’ennui d’une journée de travail dans les compteurs à gaz. Il faut dire que pester contre le sous-traitant allemand ou chinois qui fabrique de la merde parce que la boîte ne veut pas que ça lui coûte un rond, ça maintient éveillé. Plus que quatre jours et après. Et après… On verra bien, comme le dit la chanson.
Je ne me sens pas heureux d’avoir écrit autant de mots les uns derrière les autres, tout juste satisfait d’avoir pu les organiser pour que l’ensemble s’approche au mieux de ce qui se passe entre mes neurones, là-haut.
[Encore merci.]