Vendredi 27 avril 2012 à 0:05

    La politique de la terre brûlée, je crois qu'il n'y a que ça qui pourrait me sauver et surtout sauver mon entourage proche. Après un séisme, il faut s'attendre à des répliques. Certaines tardent et retardent. Genre juste deux ans, comme pour fêter un mauvais anniversaire. J'aurais préféré ne m'engager dans rien du tout pendant cette période, pour ne plus décevoir personne. Rester enterré, espérer survivre au tsunami. Même si je ne suis pas totalement certain que j'aurais pu arriver jusque là tout seul.

    Ma bétise de n'avoir pas su rester seul et loin de tout n'a rien en commun avec celle d'il y a quelques années. Mais elle risque de faire des dégâts considérables. Je risque de bouleverser la vie d'un bon paquet de personnes ou de la rebouleverser pour celui qui aura le cul entre deux chaises, entre les deux camps qui s'affronteront forcément sur le terrain de l'incompréhension. "Ma vie d'avant", comme dirait Myriam, n'a pas grand chose de glorieux. Surtout pas ça.

    Je pensais pourtant être à l'abri des dernières secousses. Naïvement. Trop naïvement. Et je me demande aujourd'hui comment j'ai pu penser ça, comment j'ai réussi à m'en convaincre. L'auto-persuasion, c'est pas forcément très bon. Mon compagnon le haricot me dit que c'est le destin qui veut ça, tout va bien et tout se casse la gueule, enchaînement logique. A nouveau. Il paraît que pour être heureux il faut souffrir. C'est du moins la thèse de Mymy. Et, elle fait de moi un des mecs les plus heureux du monde depuis plusieurs mois, il fallait bien que j'en prenne plein la gueule.

    C'était ça aussi le truc positif d'Albi, hormis le soleil. Avoir un terrain vague pour tout reconstruire. Un terrain vague entouré de clôtures, pour se protéger des regards indiscrets. Pour réapprendre à se regarder dans le miroir, sans y apercevoir mon double qui me menace avec son regard réprobateur. C'était salvateur même, en plus de la distance qui me séparait de ceux à qui je tenais le plus et dont j'avais déja pourri la vie.

    J'ai un peu l'impression que tout ce que je touche finit par devenir un gros tas de bouse puante que je me reprends dans les dents. Pourtant, je ne veux pas me cacher. Ca serait pourtant la solution de facilité, mais ça ne changerait pas le cours de l'histoire, de toute façon. Ce n'est pas parce que j'aime me prendre de la merde en pleine tronche, mais parce qu'à un moment, il faut savoir assumer ses actes. J'ai fait des conneries, j'ai été horrible, j'assume. Et ce qui peut arriver à ma petite personne n'est que secondaire, ce n'est pas ma préoccupation principale. Il adviendra ce qu'il adviendra. Action, réaction. Mais si j'étais seul, si je n'avais pas à bousiller à nouveau les espoirs que les autres ont mis en moi, ça ne serait que plus simple.

[Ca ne fait que commencer.]

Jeudi 19 avril 2012 à 21:51

    Les mois passent et les situations qui paraissaient apocalyptiques il y a quelques mois sotn devenues presques banales, du moins beaucoup moins importantes. Côté apocalyptique, il y a eu du renouvellement aussi, mais pas trop de mon côté.

    Evidemment, il a fallu que je trouve le moyen de me renverser un peu d'acide dessus et d'y laisser un vieux jean qui, de toute façon, n'attendait que ça pour être jeté. Il avait été baptisé dans un autre labo, celui d'éco-tox', il a fini sa vie dans un haut lieu de la recherche !

    La vie de mon jean n'est pas très intéressante. Je ne sais pas si la mienne l'est plus, parce qu'elle se résume à pas grand chose, la semaine. J'avais oublié comme le fait de ne pas être tout à fait chez soi, même si la Lorraine, à force, est presque devenue ma deuxième maison, était usant. Et c'est douloureux de ne pas pouvoir être là quand il le faut ou quand on en a envie.

    Mais ma vie reprend des couleurs. Je ne sais pas si ce sont les fleurs des arbres qui font ça, la sempiternelle redécouverte de la vie au printemps ou tout simplement parce que les choses s'arrangent doucement et sûrement. Chaque week-end est une réelle bouffée d'air pur, sans laquelle mes semaines auraient un goût amer. Je crois que j'ai trouvé l'espoir, quelque part. L'espoir en l'humanité des gens. Et gens humains, j'en trouve pas beaucoup !

    Même si je n'ai absolument aucun projet pour l'avenir, si ce n'est de vivre ce rêve qui me tend les bras depuis des mois, je trouve que la vie est belle. Et puis, le haricot emménage avec sa haricote et ça aussi c'est chouette. 

[Prend la vie comme elle vient...]

Jeudi 19 avril 2012 à 21:46

    Je parle rarement des livres que je lis. Et pour que j’en parle, il faut qu’ils me retournent. Je crois que c’est bien ce qu’il s’est passé avec Les derniers jours d’un homme de Pascal Dessaint.

    Ce nom ne t’est peut-être pas étranger, j’ai déjà parlé de cet auteur ici, quand il m’accompagnait dans les parcs de la ville rose. Mais cette fois, on a quitté les rives de la Garonne pour le Nord industriel ou ce qu’il en restait il y a 10 ans et, du coup, ça rigole beaucoup moins.

    A travers l’histoire à la fois sordide et banale d’une famille de prolos, qu’on désigne partout comme pédophiles, chômeurs et consanguins, Dessaint raconte les catastrophes humaines, sociales et écologiques engendrées par la fonderie de Metaleurop, fermée définitivement il y a à peine 10 ans. Déformation professionnelle oblige, j’ai été plus sensible sur la corde écologique. Mais il est bon de rappeler que le groupe propriétaire de l’usine l’a volontairement coulée [un comble pour une fonderie] en la surendettant pour avoir des arguments viables pour une délocalisation et une fermeture expresse. Une grosse entourloupe qui puait déjà bien la merde, avant Molex.

    Ce qui est bien avec Dessaint, c’est qu’il est précis mais sans en faire trop. Du coup, quand un personnage raconte les coulées de plomb ou de zinc à la sortie du haut-fourneau, on imagine plutôt bien la chaleur qui s’en dégage, la poussière qui envahit les poumons, et l’odeur de souffre qui s’en dégage.

    Mais, devenu plus ou moins familier de l’hygiène industrielle, surtout en ce qui concerne les métaux, ce qui m’a le plus écoeuré en lisant ce bouquin, c’est l’indifférence générale dans laquelle la fonderie de Metaleurop a pollué les sols et l’air au plomb, entre autres métaux. Que les ouvriers soient intoxiqués sur leur lieu de travail, c’est plus qu’une évidence. Mais toutes ces poussières de métaux ne s’arrêtent pas au portail de l’usine et contaminent les villages alentours, empêchant la population locale de faire pousser des légumes, de boire l’eau du robinet et les faisant crever à petit feu à coup d’augmentation de plombémie quand elle se trouve sous les vents dominants. Des dizaines d’hectares se sont retrouvés pollués au plomb, au zinc, à l’indium et à d’autres métaux. Une surface dont on ne pourra rien faire pendant des décennies, puisque la dépollution coûte un bras et que le propriétaire de l’usine, à qui il revenait de payer la dépollution, s’est barré avec la caisse.

     Mais, les environs de Noyelles-Godault ne sont pas une exception en France. L’industrie métallurgique y étant agonisante et pas seulement pour les hauts-fourneaux mosellans, on risque de retrouver un paquet de cadavres écologiques planqués dans les placards, quand on s’intéressera à la dépollution des sites industriels et à leur avenir. La vallée de la Maurienne est, pour quelques mois encore, polluée par les fonderies d’aluminium de Rio Tinto. Un paquet d’usines du groupe doivent fermer d’ici à la fin de l’année. Qu’est-ce qu’il deviendra des terrains autour, tous pourris par les poussières d’aluminium ? La même question se pose dans les environs d’Issoire. Même groupe, même métal mais alliages dopés au béryllium pour l’aéronautique et les TGV. Et le béryllium, c’est gros caca.

    Peut-être qu’un jour, l’écologie ne se résumera pas à rendre obligatoire des ampoules contenant du mercure pour économiser quelques grammes d’uranium. Lesquelles ampoules sont stockées dans des entrepôts, la moitié d’entre elles cassées, libérant ainsi le mercure au gré des vents et le laissant transpirer dans les sols jusqu’à ce qu’il arrive dans les nappes phréatiques, les cours d’eau, les rivières et jusque dans les poissons que l’on mange. Peut-être qu’un jour des scientifiques enquêteront sur les pollutions engendrées par les gros sites industriels, mais tous ne le font pas, pas sérieusement1. Peut-être qu’un jour on prendra conscience qu’à chaque fois que quelque chose est mené à très grande échelle, c’est la catastrophe assurée si la machine s’emballe. Et la machine industrielle s’emballe souvent.

 

    1 : Des scientifiques espagnols ont étudié la pollution au mercure autour d’une des plus grandes mines de mercure du monde, à côté de Tolède. Pour les anglophones, je vous offre ce bijou parsemé d’incohérences et dont la rigueur scientifique est absente. Offrir est bien le mot, ce « papier », qui est à la publication scientifique ce que Twilight est au cinéma, une belle bouse qu’on aurait préféré ne jamais voir, coûte au pékin de base une cinquantaine de dollars.

    Pour les non-anglophones, un petit résumé s’impose. Quand on étudie la pollution d’un milieu, on le fait souvent au travers d’animaux et de leurs organes. Ici, ce sont des sangliers et des cerfs qui sont étudiés. Ils ont été chassés aux alentours de la mine et servent d’indicateurs. Le taux de mercure est mesuré dans leur foie et leurs reins, organes bien connus pour stocker les métaux lourds, très peu éliminés. Nos chers scientifiques espagnols ont étudié le lien entre la distance par rapport à la mine et la concentration de mercure dans les organes des animaux.

    Et déjà, on sent les premières absurdités arriver. Les cerfs et sangliers ne sont pas un exemple d’animaux sédentaires et peuvent allégrement parcourir des centaines de kilomètres. Pire, la distance relevée est celle à laquelle les animaux ont été abattus. La logique aurait voulu qu’ils soient pistés, qu’on puisse déterminer combien de temps ils ont passé à 30km puis à 150km de la mine, histoire de faire un profil, de faire une moyenne pondérée. Mais non, si le sanglier a été abattu à 50km de la mine, c’est qu’il y a passé toute sa vie. Mais bien sûr !

    Et quand les incapables décident de faire un joli graphique pour résumer leurs recherches, ils trouvent une tendance qui tend à faire décroître la concentration de mercure dans les organes quand la distance animal-mine augmente. C’est vrai pour deux points, c’est faux pour les dix autres. La même concentration en mercure est mesurée à 50km et à 150km. Mais au lieu de dire qu’ils se sont peut-être trompés de paramètres, nos scientifiques assènent qu’il y a bien une évolution de la concentration en fonction de la distance.

    Comme quoi, la science on peut lui faire dire ce que l’on veut, pour peu qu’on n’ait aucune estime de soi et du boulot qu’on fait.

    Cela dit, je ne réfute pas qu’on puisse trouver une plus grosse pollution des sols et de la vie animale à 10km de la mine qu’à 100km, ça semble même assez évident. Mais la façon dont est montée cette étude, publiée dans un journal scientifique et relue puis validée par des experts, me donne très peu de foi dans l’avenir que peut avoir la science pour étudier l’impact de l’exploitation industrielle sur l’environnement. Plus précisément, c’est ma foi en l’humain qui en a pris un coup.

[Science sans conscience n'est que ruine de l'âme]

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