Mardi 21 août 2012 à 20:21

    Il y a des malentendus comme celui-là, on voudrait qu'ils durent toute la vie et même l'éternité. Mais il n'aura duré qu'un an, je me fais cadeaux des deux jours qui restent avant son anniversaire. Une année pendant laquelle je n'ai presque pas touché terre, d'Alice au pays des merveilles et du MITCH aux campings sauvages en Belgique en passant par les innombrables week-end trop-courts-qu'on-aurait-voulu-rallonger.

    Et puis, quand on a un cadavre qui prend l'air depuis déja quelques mois et dont on ne connaît pas la raison de son trépas, ça pose des questions. J'aurais bien aimé l'autopsier moi-même, ce foutu cadavre puant qui traînait là.  Mais je n'ai pas malheureusement pas eu cet honneur et quelqu'un d'autre s'en est chargé. Etant donné la charpie qu'il reste, ils s'y sont peut-être mis à plusieurs. Les connaissances ne sont pas forcément très bonnes conseillères.

    Me voilà donc avec ce cadavre dépiauté sur ma table basse, accompagné d'un petit mot. Voilà, le rêve a l'air de s'achever alors qu'il était à son paroxysme. Je viens de me réveiller, j'ai envie de continuer ce rêve fabuleux, mais non, la machine à rêves ne se relance pas. C'est trop tard, j'ai perdu. Et même si ça marche, ça sera forcément moins bien que l'original. Je n'ai même pas envie d'expliquer ce qu'il s'est passé, les rapports d'autopsie sont peut-être trompeurs à ce sujet. Mais non, même pas. Je n'en ai plus le courage. Je ne sais même pas à quoi ça servirait. Elle sait. Point.

    Je ne sais pas ce que je suis censé faire, ni dire, ni même penser. Je retourne tout ça dans ma tête depuis que je suis rentré du boulot, je meurs de chaud et je gamberge. Je m'insulte moi-même et j'ai envie d'enfoncer ma tête dans ce putain de parquet pour la ressortir dans dix ans, quand l'orage sera passé. "Quand je serai grand", peut-être. 

    Grand, je pensais pourtant l'être. Au moins un peu plus que ce que j'ai l'air de renvoyer à l'heure actuelle. Mais non, je n'ai pas envie d'être ce siphon qui aspire tout le monde vers la fosse commune. Non, mes épaules ne sont peut-être pas assez larges pour supporter ce poids. Non, je n'ai pas envie d'avoir ce pouvoir irrémédiable de tout foutre par terre sur mon chemin. Cette fois, c'est vraiment comme si ma vie s'effondrait une deuxième fois, mais en pire. Je ne sais pas si j'ai le courage nécessaire pour ne pas fuir. De toute façon, on finira toujours par me rattraper.

[J'étais vraiment heureux. Beaucoup, beaucoup !]

Dimanche 3 juin 2012 à 16:47

    Quand on laisse un cadavre traîner longtemps dans un placard, ça finit par sentir très mauvais. Et même, plus on attend avant de lui faire prendre l'air et plus le résultat olfactif est désagréable, ce cadavre là ne connaissant pas l'étape de momification. J'enfonce là une porte ouverte bien connue des médecins légistes. Et malgré une courte expérience dans un laboratoire qui s'occupait de médecine légale, je ne suis pas médecin légiste. Et donc, je suis un con parce que se boucher le nez ne résout rien du tout.

    C'est d'autant plus déstabilisant lorsque le contenu du cadavre importe peu au moment de la découverte. Qu'il ait été torturé, démembré ou brûlé avant d'avoir été mis dans ce placard n'a pas la plus grande importance. Non, ce qui compte c'est de savoir qu'il a longtemps été là, tout près, dans ce placard, et que la vie continuait à battre son plein juste à côté de ce placard sans que l'unique personne qui en détient la clé ne se soit décidée à l'ouvrir pendant tout ce temps.

    Personne ne sait ce qu'il adviendra de cette découverte. Et encore moins du cadavre en lui-même. Une grande zone d'incertitude s'ouvre quant à la suite de l'histoire et à la confiance que s'accordent les personnages de l'histoire. Parce qu'au fond, et aussi étonnant que ça puisse paraître, le problème se situe là, pour le moment.

    Et j'aimerais bien partir au loin avec mon sac de plomb, le porter tout seul, parce qu'il n'y a que moi qui doive le porter. Je ne sais pas bien si j'accepterai, à long terme, cette main qu'on me tend aveuglément pour m'aider à le porter, pour partager mon fardeau. Même si j'ai du mal avec la notion de propriété, je voudrais que celui-là reste le mien et rien que le mien. C'est aussi pour cette raison que ce cadavre rempli de plomb est resté si longtemps dans un placard.

[Mais comment peut-on défier une telle falaise, quand le temps, stupide, file à l'anglaise ?]

Samedi 26 mai 2012 à 20:00

    Comme le beau temps est enfin arrivé, je suis allé en profiter dans un petit endroit fort sympathique de la ville des sacres, accompagné d'un bouquin, histoire d'avoir un prétexte pour laisser les rayons du soleil frapper ma peau. Et je me suis rendu compte que la dernière fois que j'avais mis mes pieds dans ce chouette endroit, c'était il y a fort longtemps.

    C'était aussi un samedi chaud et ensoleillé, début septembre. C'était avant le 10 donc ça devait être le 3, mais peu importe. Je me suis souvenu que, ce jour là, mes jambes m'avaient fait avaler les kilomètres urbains, me perdant de temps en temps, mais j'avais ce sourire niais qui ne se détachait pas de mon visage. Je crois même que j'avais atterri dans cet endroit avec l'idée de bouquiner mais la joie m'assaillait tellement que j'avais été incapable de l'ouvrir. Un bien beau moment !

    Mais la chaleur et le soleil sont les deux seuls points communs de ces deux journées espacées de neuf mois. Alors, bien sûr, je suis heureux. Très heureux, même, dès que je retrouve mes repères rémois le week-end et les bras qui m'entourent. Et de repères, j'en ai plutôt besoin par les temps qui courent.

    Mais ce bonheur ne tient pas à grand chose. Il tient seulement à ma faiblesse. Ma faiblesse de dire la vérité, de dire qui je suis ou, du moins, qui j'ai été, dans "ma vie d'avant". Je n'ai toujours rien dit, parce qu'il y a un mois c'était vraiment pas le moment. J'avais plus ou moins décidé d'une date, mais ce qu'on appellera le destin en a voulu autrement et c'était de nouveau pas le moment. Et pourtant, je m'en veux de ne rien dire. De ne pas pouvoir le faire. Mais j'ai peur, atrocement peur. Mon avenir à moi importe peu, ce n'est pas ça qui est en jeu.

    J'ai l'impression de vivre des derniers moments, un peu comme celui qu'un condamné à mort doit vivre avant son exécution. Je profite ce qu'il reste, tant que c'est encore là. Et je ne dis rien. J'ai du mal à me regarder dans le miroir ou à soutenir le regard sans que les larmes s'échappent. Parce que moi je sais, et elle non. Combien de temps encore je vais tenir cette situation intenable ? Je n'en sais rien, mais je crois que c'est pour bientôt.

[La merde ça colle un peu beaucoup aux chaussures.]

Vendredi 27 avril 2012 à 0:05

    La politique de la terre brûlée, je crois qu'il n'y a que ça qui pourrait me sauver et surtout sauver mon entourage proche. Après un séisme, il faut s'attendre à des répliques. Certaines tardent et retardent. Genre juste deux ans, comme pour fêter un mauvais anniversaire. J'aurais préféré ne m'engager dans rien du tout pendant cette période, pour ne plus décevoir personne. Rester enterré, espérer survivre au tsunami. Même si je ne suis pas totalement certain que j'aurais pu arriver jusque là tout seul.

    Ma bétise de n'avoir pas su rester seul et loin de tout n'a rien en commun avec celle d'il y a quelques années. Mais elle risque de faire des dégâts considérables. Je risque de bouleverser la vie d'un bon paquet de personnes ou de la rebouleverser pour celui qui aura le cul entre deux chaises, entre les deux camps qui s'affronteront forcément sur le terrain de l'incompréhension. "Ma vie d'avant", comme dirait Myriam, n'a pas grand chose de glorieux. Surtout pas ça.

    Je pensais pourtant être à l'abri des dernières secousses. Naïvement. Trop naïvement. Et je me demande aujourd'hui comment j'ai pu penser ça, comment j'ai réussi à m'en convaincre. L'auto-persuasion, c'est pas forcément très bon. Mon compagnon le haricot me dit que c'est le destin qui veut ça, tout va bien et tout se casse la gueule, enchaînement logique. A nouveau. Il paraît que pour être heureux il faut souffrir. C'est du moins la thèse de Mymy. Et, elle fait de moi un des mecs les plus heureux du monde depuis plusieurs mois, il fallait bien que j'en prenne plein la gueule.

    C'était ça aussi le truc positif d'Albi, hormis le soleil. Avoir un terrain vague pour tout reconstruire. Un terrain vague entouré de clôtures, pour se protéger des regards indiscrets. Pour réapprendre à se regarder dans le miroir, sans y apercevoir mon double qui me menace avec son regard réprobateur. C'était salvateur même, en plus de la distance qui me séparait de ceux à qui je tenais le plus et dont j'avais déja pourri la vie.

    J'ai un peu l'impression que tout ce que je touche finit par devenir un gros tas de bouse puante que je me reprends dans les dents. Pourtant, je ne veux pas me cacher. Ca serait pourtant la solution de facilité, mais ça ne changerait pas le cours de l'histoire, de toute façon. Ce n'est pas parce que j'aime me prendre de la merde en pleine tronche, mais parce qu'à un moment, il faut savoir assumer ses actes. J'ai fait des conneries, j'ai été horrible, j'assume. Et ce qui peut arriver à ma petite personne n'est que secondaire, ce n'est pas ma préoccupation principale. Il adviendra ce qu'il adviendra. Action, réaction. Mais si j'étais seul, si je n'avais pas à bousiller à nouveau les espoirs que les autres ont mis en moi, ça ne serait que plus simple.

[Ca ne fait que commencer.]

Jeudi 19 avril 2012 à 21:51

    Les mois passent et les situations qui paraissaient apocalyptiques il y a quelques mois sotn devenues presques banales, du moins beaucoup moins importantes. Côté apocalyptique, il y a eu du renouvellement aussi, mais pas trop de mon côté.

    Evidemment, il a fallu que je trouve le moyen de me renverser un peu d'acide dessus et d'y laisser un vieux jean qui, de toute façon, n'attendait que ça pour être jeté. Il avait été baptisé dans un autre labo, celui d'éco-tox', il a fini sa vie dans un haut lieu de la recherche !

    La vie de mon jean n'est pas très intéressante. Je ne sais pas si la mienne l'est plus, parce qu'elle se résume à pas grand chose, la semaine. J'avais oublié comme le fait de ne pas être tout à fait chez soi, même si la Lorraine, à force, est presque devenue ma deuxième maison, était usant. Et c'est douloureux de ne pas pouvoir être là quand il le faut ou quand on en a envie.

    Mais ma vie reprend des couleurs. Je ne sais pas si ce sont les fleurs des arbres qui font ça, la sempiternelle redécouverte de la vie au printemps ou tout simplement parce que les choses s'arrangent doucement et sûrement. Chaque week-end est une réelle bouffée d'air pur, sans laquelle mes semaines auraient un goût amer. Je crois que j'ai trouvé l'espoir, quelque part. L'espoir en l'humanité des gens. Et gens humains, j'en trouve pas beaucoup !

    Même si je n'ai absolument aucun projet pour l'avenir, si ce n'est de vivre ce rêve qui me tend les bras depuis des mois, je trouve que la vie est belle. Et puis, le haricot emménage avec sa haricote et ça aussi c'est chouette. 

[Prend la vie comme elle vient...]

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